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Entretien avec M.Yvinec, Directeur de la Sûreté, Air France

Écrit par HASSID Olivier

12 septembre 2013

Vous êtes certainement l’un des directeurs sécurité qui est resté le plus longtemps en poste. Vous disposez donc d’une expérience importante. Quelles sont selon vous sur la durée, les actions d’une politique de sécurité efficace ?

Cette expérience ne m’autorise pas à en tirer des conséquences, des règles qui seraient applicables par tout Directeur de Sûreté. En effet, et nous le voyons bien au sein du CDSE, les domaines d’activité dans lesquels évoluent nos collègues sont extrêmement variés et chacun d’eux est confronté à des contraintes, à des enjeux très divers.
Ce que je pourrais dire, à la lumière de mon propre vécu et de ce que je j’ai capté auprès des collègues d’autres entreprises, c’est que l’efficacité de notre action repose sur 4 piliers principaux :
Le premier est une parfaite délimitation du domaine de compétence, car la sûreté est naturellement connexe à d’autres problématiques, gestion des crises, intelligence économique, fraude, voir sécurité du travail. Le principal outil de cette définition tient en une fiche de poste claire, dans le meilleur des cas une délégation de pouvoir, et un positionnement à un niveau adapté dans la hiérarchie de l’entreprise, n-1 voir à minima n-2 du CEO. Si ces conditions ne sont pas réunies il est très difficile pour le Directeur de la sûreté de justifier, notamment à l’égard des employés qu’il est chargé de protéger, de sa capacité à prendre toutes les mesures utiles, et de se confronter, voire parfois de s’affronter à d’autres manageurs plus préoccupés d’économie que de sûreté.

Le second, qui s’inscrit dans la même logique, consiste à définir clairement qu’elle contribution l’entreprise attend de la Direction de la Sûreté et réciproquement. La solution que nous avons retenue à Air France, repose sur la conclusion de protocoles internes définissant avec une grande précision ce que la sûreté doit fournir et ce qu’elle est en droit d’obtenir des autres Directions, notamment les plus opérationnelles. Cette démarche nous a permis de considérablement réduire les conflits de compétence positifs, ou pire, négatifs que nous connaissions parfois auparavant.

Le troisième tient à la réactivité de la réponse opérationnelle. L’entreprise attend de sa Direction de la sûreté une réponse immédiate, h24, 365 jours/365, à toute problématique relevant de son domaine de compétence. Cette capacité à prendre les mesures adaptées, à tout moment, constitue à coup sûr un élément majeur sur lequel repose la crédibilité du responsable sûreté.

Le quatrième tient à la compréhension, et mieux à l’acceptation par le management de l’entreprise, des mesures de sûreté décidées. Dans le contexte économique particulièrement difficile que nous connaissons, un Directeur de sûreté ne peut plus décider de mesures souvent contraignantes, parfois très coûteuses, sans les motiver très rigoureusement. Le temps n’est plus où le responsable sûreté pouvait justifier telle ou telle décision par une prétendue information confidentielle, dont lui seul pourrait juger de la pertinence. Cette motivation présente par ailleurs un avantage tout à fait conséquent, celui d’éviter le redoutable effet de cliqué. Les raisons ayant justifié la mise en œuvre de mesures permettent, lorsqu’elles ont disparu, de justifier leur suppression.

Quelles seraient les conseils que vous donneriez à un « jeune » directeur sécurité ?

Etre humble, car je partage l’avis d’un ex collègue de KLM, si la sécurité (au sens de la sécurité des vols pour une compagnie aérienne) est une technique, la sûreté s’apparente plutôt à un art. L’anticipation des évènements n’étant pas une science exacte, il faut se garder d’affirmations rapides, catégoriques.

Etre toujours disponible, car les crises n’attendent pas.
Savoir communiquer, faute de quoi, ses décisions ne seront pas comprises et mal appliquées.

Savoir parfois être intransigeant, et ne jamais accepter que des mesures qu’ils juge nécessaires afin d’assurer la protection des personnels et des clients, soient remises en cause pour des raisons extérieures à la sûreté.

Comment voyez-vous évoluer le fonction sécurité / sûreté au sein des entreprises ?

La fonction sécurité/sûreté, qui constituait autrefois le plus souvent la réponse à une obligation réglementaire, à l’exemple du transport aérien, est devenue progressivement, la jurisprudence aidant, une fonction incontournable au fonctionnement de toute entreprise.

L’obligation d’évaluation des risques et de mise en œuvre des mesures destinées à les rendre acceptables qui pèse désormais sur elles, les a en effet contraint à se doter des moyens adaptés, ce qui fait que dans le domaine de la protection de l’entreprise et de ses salariés, l’essentiel a, je le pense, déjà été fait.

Les perspectives d’évolution se trouvent donc ailleurs et se situent plutôt dans la prise en compte des aspects sûreté dans la définition des choix stratégiques de l’entreprise, en particulier lorsque sont envisagés des investissements dans des pays sensibles.
Le responsable sûreté peut en effet, lorsqu’il est questionné à temps ! éclairer les décideurs sur les risques éventuels de telle ou telle opération.

Le rapprochement entre Air France et KLM a-t-il eu une incidence sur l’organisation de la sûreté au sein de la compagnie ?

Oui et non.

Non chaque compagnie a son propre certificat de transporteur aérien et est donc en charge, sous l’autorité de son Ministère de tutelle nationale, de la mise en œuvre des mesures de sûreté réglementaire touchant à son exploitation aérienne.

Oui car nous avons depuis la fusion, créé dans tous les pays où les deux compagnies volent conjointement, des escales dites communes.
Pour faire face à cette situation nous avons développé des relations très fortes, très opérationnelles et même amicales avec nos collègues de KLM, ce qui nous permet d’adopter des positions coordonnées face aux régulateurs internationaux, de nous concerter en période de crise afin d’adopter les même mesures, notamment à l’égard de nos expatriés et de nos personnels navigants, et d’établir progressivement un référentiel documentaire commun.

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