Outre Rhin, la sécurité d’entreprise fait débat. En effet, depuis quelques mois, plusieurs entreprises sont mises au ban des accusés pour avoir surveillé leurs salariés. Ainsi, Hartmut Mehdorn, directeur général de la Deutsche Bahn, a présenté, le 06 février, officiellement ses excuses au personnel après avoir reconnu qu’entre 2002 et 2005 l’entreprise de transport avait consulté secrètement les données privées de près des trois quarts de ses 237000 employés au nom de la lutte contre la corruption !
Or cette affaire est loin d’être une affaire isolée. Ainsi apprend-t-on dans le Stern le 02 septembre 2008 qu’une partie des 48 000 salariés de Lidl, entreprise de la grande distribution, étaient fliqués au moyen de caméras vidéo détournées et de constitution de fichiers sur le personnel comme au meilleur temps de la Stasi. Ainsi, le journal relate que des détectives privés consignaient les détails les plus intimes de leur vie dans des « comptes rendus d’observation ». D’autres sociétés de premiers rangs auraient également utilisé les services de sécurité à des fins discutables. La Dresdner Bank, par exemple, aurait recouru aux services d’agences privées de sécurité pour surveiller les contacts de certains salariés avec la presse. De même, le service de sécurité de Siemens aurait détourné les e-mails adressés par les salariés du groupe au comité d’entreprise, information d’autant plus choquante quand on sait que le conglomérat allemand a annoncé mardi 29 avril que presque toutes ses divisions étaient concernées par des cas de corruption. De son côté, la Deutsche Telecom serait associée à une sombre affaire d’espionnage, l’entreprise ayant commandé à un cabinet de conseil de recenser les appels téléphoniques de plusieurs membres du conseil de surveillance de la société.
Cette situation n’est certainement pas l’apanage de nos amis allemands et à ce titre et de manière générale elle nous semble poser trois séries de problèmes.
Premièrement, elle participe à la défiance vis-à-vis des entreprises, et notamment des plus importantes, de la part à la fois des salariés et de l’opinion publique. Si le management est déjà fortement décrié ces temps-ci (corruption, gros salaires, détournements de fond…), ces nouvelles affaires ne viennent que grossir la liste des récriminations que l’opinion porte à ses managers et de manière plus globale aux entreprises. Deuxièmement, elle participe à la défiance vis-à-vis des personnels qui assurent la sécurité en entreprises alors que cette fonction a été créée et s’est développée pour protéger les actifs de l’entreprise, au premier rang desquelles les salariés. Enfin, elle participe au climat délétère qui existe au sein des entreprises actuellement. Or comme l’a souligné l’économiste Oliver Williamson, dans son ouvrage Market and Hierarchies, l’atmosphère est une composante essentielle de la performance de l’entreprise. A atmosphère délétère, par conséquent, performance en berne.
En Allemagne, comme partout en Europe et en particulier en France, il devient dans ce contexte urgent de réinterroger notamment la place de la sécurité en entreprise. Quelquefois perçue comme une fonction « sale » de l’entreprise, il faut bien prendre conscience qu’elle peut et doit servir à la création d’une éthique en entreprise. En effet, qui est mieux placé que le département sécurité pour repérer les abus des managers, la corruption ou encore les possibles détournements de fond au sein d’une organisation ? Qui est le mieux placé pour solutionner des problèmes de harcèlement et de violences au travail qui semblent si nombreux actuellement ? A notre sens, la sécurité d’entreprise. Pour cela, il faut certainement professionnaliser encore plus cette fonction et se demander s’il ne faut pas lui réserver un statut « spécial » : soit un statut protégé comme c’est notamment le cas pour les secrétaires des CHSCT, soit une habilitation comme c’est le cas dorénavant dans le domaine de la sécurité privée.