Wikileaks ouvre un monde de risques entièrement nouveau pour les entreprises. Avec des infoanarchistes luttant pour découvrir leurs secrets et les diffuser sur la toile – en partie juste parce qu’ils en ont la capacité – le danger est époustouflant.
Le danger n’est même plus que des emails tombent entre de mauvaises mains. Désormais, il y a un risque réel que l’intégralité de l’intelligence d’une entreprise soit exposée, à l’image du cerveau diplomatique du gouvernement américain ouvert aux regards de tous.
C’est bien plus qu’un cauchemar pour le département de relations publiques de l’entreprise affectée. Ce risque menace les projets développés et la rentabilité des investissements. Précédemment dans l’année, Goldman Sachs a lâché des térabytes d’informations à propos d’enquêteurs gouvernementaux qui examinaient les causes de la crise financière. Les banquiers qui plaidaient pour que le Congrès se tienne à l’écart ont salué le brio de cette démarche de Goldman. En effet, avec une bande passante et un temps limités, il devenait impossible pour les enquêteurs de trouver leur bonheur parmi toutes ces données.
Mais que se passerait-il si ces terabytes venaient à trouver leur place sur WikiLeaks ? Le visiteur occasionnel – autant que ces enquêteurs gouvernementaux pressés par le temps – aurait bien du mal à déterrer quoi que ce soit d’intéressant avant de perdre patience. Les concurrents, en revanche, y consacreraient sans doute beaucoup plus d’efforts. Seul peut être les puissants fonds de placement à risque, déploieraient les moyens nécessaires pour déceler des signes de force ou de faiblesse, ou pour chercher n’importe quelle rumeur portant sur de futurs projets d’une entreprise qui pourrait leur conférer un avantage. Il ne s’agit pas là d’une simple expérience de pensée : Wikileaks a promis de lâcher une bombe de la même envergure contre une grande institution financière l’année prochaine.
Au moment où nous écrivons ce billet, ceux qui veulent prendre de l’avance sont probablement en train d’élaborer des algorithmes pour organiser et exploiter des documents classifiés du gouvernement afin de découvrir des pépites à propos d’entreprises multinationales, pépites qui pourraient conditionner des décisions d’investissement. Il a fallu deux semaines aux grands médias pour tomber sur un câble diplomatique évoquant l’infiltration présumée de Shell au sein du gouvernement nigérian. Combien d’autres perles chèrement négociables se cachent parmi les 250 000 télégrammes du Département d’Etat ?
Le dirigeant de WikiLeaks et sa source sont actuellement en prison, mais les motivations existentielles de ce site collaboratif demeurent. L’attrait de révéler des informations pour le simple plaisir de le faire fera surement des émules, qui emploieront des techniques de plus en plus sophistiquées pour obtenir le plus d’informations possibles sans avoir besoin de les comprendre avant de les rendre publiques.
Les sociétés qui ne parviennent pas à prendre conscience de l’importance de ce « moment Wikileaks» risquent d’être lésées par son impact. Le risque ne réside plus dans le dispositif de cybersécurité de tout un chacun, mais dans les failles de n’importe qu’elle communication. Le risque n’est plus de tenir des propos tellement outrageux dans un email professionnel qu’ils finiraient en une d’un quotidien. Le risque est désormais que des propos relativement anodins se retrouvent enfouis dans une base de données consultable et rendue un jour publique sans raison, mais seulement parce quelqu’un sait le faire.
Traduction par Mélanie Herment
Source Harvard Business Review
D’aprés le texte de David Gordon & Sean West (Eurasia Group) : « Could WikiLeaks Expose Your Corporate Brain? »