L’élimination dimanche 1e mai d’Oussama Ben Laden amène à réétudier les conséquences des attentats du 11 septembre. Ainsi apprend-t-on par exemple dans les Echos du 3 mai que le budget américain de la Défense a progressé de presque 150% entre 2001 et 2011 passant de 305 milliards de dollars à 750. De même, les pertes imputées aux assureurs auraient atteint les 40 milliards de dollars. On estime aujourd’hui, en dehors de la perte des vies humaines, que le coût économique des attentats avoisinerait 120 milliards de dollars, ce chiffre incluant à la fois les sinistres concernant les biens matériels et les infrastructures (1).
Par conséquent, les attentats du 11 septembre en matière économique et en matière de sécurité et de défense ont eu des conséquences importantes. Elles ont même eu des conséquences paradigmatiques puisque l’on parle moins au jour d’aujourd’hui de sécurité intérieure mais bien plus de sécurité globale pour bien mettre en évidence que les frontières entre sécurité intérieure et sécurité extérieure ont perdu progressivement de leur sens.
Mais nous sommes nous interrogés sur les impacts du 11 septembre en matière de sécurité d’entreprise ? Quelques statistiques existent. Dans the handbook of security réalisé sous la direction de Martin Gill(2) , on apprend ainsi que les budgets des directions sécurité aux Etats-Unis ont augmenté entre 2001 et 2002 de 10%. Par ailleurs, le rapport Mariani relatif à la sûreté du transport aérien en Europe souligne que le coût des missions supportées par les exploitants d’aérodromes et l’Etat serait passé de moins de 116 millions en 2000 à plus de 403 millions d’euros en 2003. Dans le même rapport, il est écrit qu’Ian Hutchison, directeur de la sûreté de British Airport Authority (BAA) a indiqué au rapporteur qu’entre 2001 et 2004, plus de 1000 employés ont été embauchés dans les sept aéroports que BAA détient, dont 600 à Heathrow. Aux Aéroports de Paris, 4200 personnes sont affectées à la sûreté, soit un doublement entre 2001 et 2004 (3) .
Pour notre part, nous avons tenté de recenser le nombre de directions sécurité dans les groupes du CAC 40 entre 2002 et 2010. On constate une progression substantielle du nombre de directions sécurité puisqu’il y aurait environ 8 nouvelles entreprises du CAC 40 qui disposeraient depuis d’une direction sécurité. Naturellement, la création de ces directions n’est pas fonction uniquement des attentats du 11 septembre, mais il est certain qu’ils y participent. Enfin comment ne pas évoquer les impacts que cela a eu en matière de renforcement de la sécurité des infrastructures de la Nation. Or nombreux sont les grands groupes qui sont concernés. A ce titre, Jean-Marc Sabathé directeur de la sécurité du groupe EDF nous rappelle dans le numéro 4 de la revue Sécurité & Stratégie que la mise en œuvre du décret SAIV a coûté plusieurs centaines de millions d’euros à son entreprise.
Par conséquent, de manière directe ou indirecte Al Qaida et son leader mort récemment, à travers les attentats du 11 septembre et ceux qui ont suivi en Espagne et en Angleterre, ont eu une incidence non négligeable sur l’émergence voire le développement de la sécurité au sein des entreprises. Reste alors à se demander qu’elle sera l’incidence de sa mort sur le durcissement des mesures de sécurité ? Il faut bien avoir conscience, comme le notait justement François Heisbourg, dans son dernier livre « Après Al Qaida »(4) , que Ben Laden était de toute manière en fin de parcours et que le terroriste connaît des mutations formidables qui nécessitent encore plus aujourd’hui qu’hier d’investir en matière de sécurité. Espérons que les décideurs publics et privés en aient bien pris conscience.
Olivier HASSID
(1) OCDE, L’économie de la Sécurité, édition de l’OCDE 2004, p.124.
(2) Martin Gill, The Handbook of security, sous la direction de Martin Gill – Palgrave Mac Millan – 678p, 2006.
(3) Thierry Mariani, La sûreté du transport aérien en Europe, Assemblée nationale, rapport d’information n°2241.
(4) François Heisbourg, Après Al Qaida, La nouvelle génération du terrorisme, Paris, Stock, 2009.