Barbouze, détective, expert en gardiennage, le responsable de la sécurité a gardé pendant longtemps une image peu engageante que l’actualité se charge une fois de plus de remettre au goût du jour dans notre pays. Il est vrai que nos concitoyens ignorent l’évolution de cette fonction confrontée aux mutations technologiques et managériales accompagnant la globalisation. Très peu savent qu’au-delà de ses origines professionnelles le directeur sécurité est un cadre supérieur, comme les autres ou presque, qui doit négocier son budget, convaincre sa direction générale, motiver ses hommes, et imposer les changements requis dans l’organisation.
Une récente étude de la Wharton School a montré qu’il doit faire preuve de leadership, communiquer sa vision et savoir vendre son activité pour répondre aux attentes de sa direction et aux aléas d’un environnement mouvant et incertain. C’est donc un manager aux fonctions classiques, dont les missions se singularisent toutefois par leur sensibilité et leur acuité. A l’heure où les entreprises françaises sont attaquées de toute part : tentative de rachat, d’intimidation, introduction de capitaux mafieux, vol de données, escroquerie…, la sécurité devient un enjeu considérable. Le doute n’est plus permis quand on sait que du 1er janvier 2006 au 13 mars 2009, la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) a constaté 4600 agressions étrangères d’entreprises françaises (vols de brevets, sabotages, attaques d’installations…) sur le sol national. En opposition avec notre naïveté concurrentielle, c’est 2804 entreprises qui ont été touchées dans 150 secteurs d’activités différents.
Outre ces problématiques internes, un directeur de la sûreté doit également assurer, dans un contexte de crises multiples et multiformes (technologique au Japon, géopolitique au Maghreb, conflictuelle en Lybie,…), la sécurité des salariés à l’international et de garantir la continuité des activités de son entreprise. Il faut avoir à l’esprit qu’après avoir réussi à rapatrier dans l’urgence l’ensemble des salariés français d’Egypte ou de Tunisie en pleine période de troubles, la plupart des entreprises françaises ont repris leurs activités sur place grâce à une sécurité renforcée adaptée à la nouvelle situation. On ne peut également passer sous silence l’obligation d’intégration de nouvelles normes de sécurité pour rester compétitif face à la concurrence Tout ceci fait du directeur sécurité un rouage déterminant dans la vie de nos entreprises l’obligeant, au-delà des capacités requises de gouvernance, à gérer des réseaux d’information et de soutien pour acquérir une capacité d’analyse, d’anticipation et d’action bien différente des autres managers. Ajoutons qu’il doit également se faire identifier par les autres organisations et avoir une bonne qualité relationnelle avec l’administration publique et les médias ce qui n’est pas le plus simple.
Loin de l’image d’incompétence ridicule dans laquelle certains veulent l’enfermer et selon les conclusions de l’étude réalisée par HayGroup pour le CDSE sur le bilan et les perspectives de cette fonction dans l’entreprise, nous sommes face à un métier qui se densifie et se professionnalise profondément. Cette évolution rapide impose aux directeurs de sécurité de définir comment ils doivent accompagner ce changement qui va favoriser leur reconnaissance au sein des entreprises et auprès de la puissance publique.
La mise en place d’associations de directeurs sécurité, de formations au management de la sécurité, de partenariats publics-privés, ainsi que la création d’une agence de la sécurité privée pilotée par des agents de la fonction publique vont permettre d’atteindre cet objectif. A ce titre, on doit se réjouir de la création du Conseil National des Activités Privées (CNAPS) destiné à contrôler le secteur de la sécurité privée. Il faut espérer que celui-ci aura la capacité dans le futur d’assurer aussi bien la régulation des entreprises de sécurité privée que des directions de sécurité internes aux entreprises. Il pourra alors être le garant de la préservation d’une éthique de la sécurité tant au niveau des hommes que des moyens qui s’avère être essentielle pour l’avenir de la profession.
Alain Juillet, Président du CDSE