Vous avez travaillé de longues années pour le ministère de la défense, comment considérez-vous votre reconversion et quels conseils donneriez-vous aux militaires voulant embrasser cette nouvelle carrière ?
A mon arrivée au sein du groupe Michelin, le 1er septembre 2009, j’ai suivi le parcours d’intégration mis en place pour tout cadre nouvellement embauché. Période privilégiée et préservée de toute autre contrainte professionnelle, ce parcours de plusieurs semaines se compose principalement de 2 stages et comporte également un travail personnel à réaliser (sujet d’étude) simultanément à la prise de consignes sur le poste. Le stage en usine, dans des fonctions d’opérateur intégré à une équipe, s’avère indispensable pour, tout d’abord, assimiler la réalité des conditions dans lesquelles s’opèrent les activités de fabrication de pneumatiques. Le stage international, d’une durée de 4 semaines, offre ensuite la double opportunité d’une part de rencontrer les dirigeants qui viennent alors présenter leurs activités et, d’autre part, de se familiariser avec l’organisation et le fonctionnement du Groupe. L’organisation et les procédures internes constituent les premiers sujets à maîtriser pour pouvoir prétendre conduire, avec un minimum d’efficacité, les premières démarches confiées ou entreprises d’initiative.
Mon arrivée dans le Groupe a été grandement facilitée par l’accueil réservé par mes premiers interlocuteurs mais également, et surtout, par la qualité des consignes transmises par mon prédécesseur. Enfin, après avoir connu un environnement professionnel institutionnel qui confère un statut, un positionnement précis (grade), des responsabilités encadrées, l’adaptation au contexte d’un grand groupe privé suppose notamment une prise de conscience rapide des attentes et des enjeux. Les responsables du Groupe attendent en effet des propositions concrètes reposant certes sur des compétences estimées mais surtout sur une analyse factuelle des principaux risques, dans un cadre beaucoup moins formalisé qui ne l’a été. De la qualité de cette première analyse et des propositions formulées dépend la légitimité initiale qu’il conviendra de consolider par la suite.
En tant que directeur de la sécurité de chez Michelin, quelles sont les principales problématiques en matière de sûreté et comment se gèrent-elles ?
Michelin est présent dans 180 pays dans le monde et, à ce titre, envoie régulièrement ses salariés en poste ou en déplacement dans des pays dits « à risques ». L’une des premières préoccupations des dirigeants du Groupe est donc de maîtriser les risques auxquels peuvent être exposés ces employés. La deuxième catégorie de risques jugée comme prioritaire concerne les systèmes d’information. Il s’agit alors de réduire les risques pouvant affecter la continuité des activités mais également nos données les plus sensibles ; la protection de l’information s’avère être un enjeu d’importance pour un groupe qui fonde sa stratégie de croissance sur ses capacités d’innovation technologique. Enfin, avec la mise en place de règles éthiques précises, le groupe a consolidé ses actions déjà entreprises de mise en conformité juridique et règlementaire de ses procédures tout en veillant à ce que les comportements des employés respectent les principes édictés. Le risque de fraude demeure ainsi à ce titre un des sujets d’attention permanente. Pour l’ensemble de ces familles de risques prioritaires, des plans d’actions spécifiques ont été définis pour réduire et maîtriser les niveaux d’exposition du patrimoine humain, physique et immatériel du Groupe.
Des enseignements ont été également tirés des incidents ou crises récentes. Ainsi, l’affaire Marwan Arbache, du nom de cet ingénieur, ex-cadre chez Michelin, jugé en 2010 pour avoir tenté de vendre des données confidentielles à nos concurrents, a été à l’origine du déploiement de clauses de non-concurrence pour certains de nos salariés.De plus, à partir du constat porté sur la condamnation au seul motif d’abus de confiance, le Groupe a soutenu l’initiative d’un texte de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires.Cette notion n’existe actuellement pas en droit français mais un tel acte permettrait pourtant, avec les précisons qui conviennent, de pouvoir sanctionner l’acquisition et la collecte illicites d’informations ainsi que leur divulgation au(x) concurrent(s). Espérons que les travaux sur l’objet de la précédente proposition de loi reprendront prochainement afin de combler une lacune de notre droit national qui porte actuellement préjudice à la protection de notre patrimoine face au phénomène toujours persistant d’espionnage économique.