Vous êtes récent directeur de la sécurité. Vous avez fait carrière dans la police nationale. Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?
J’ai intégré la Brigade de Répression du Banditisme de la Préfecture de Police comme Enquêteur en 1972 pour terminer Prefet, directeur du cabinet du Prefet de Police en octobre 2012, après être passé à la Brigade Anti-gangs, au Service de Coopération Technique International Police en Afrique et en Amérique du sud pour la formation des unités spéciales, le Groupe d’Intervention de la Police Nationale en Nouvelle Calédonie, le Commissariat de Villeparisis, détaché pendant 1 an pour la sécurité de la coupe du monde de football en 1998, la Section Opérationnelle de la DCRG, le RAID et le SPHP.
Comment s’opère le basculement du public vers le privé ? Peut-on s’y préparer ? Avez-vous eu des surprises ?
Pendant les 40 ans passées dans le service public et dans les missions qui ont été les miennes j’ai, à plusieurs occasions, travaillé avec le monde du privé, de l’entreprise, ( formation, séminaires, partenariats, grands événements, gestion de crise également à l’occasion de français enlevé à l’étranger ect….). L’imprégnation de la culture, des objectifs, et du fonctionnement du privé devenait incontournable. Je ne pense pas, mais cela reste un avis très personnel, que le passage du public au privé, dans la majorité des cas se prépare sereinement et de façon réfléchie. Tant que la mission de service public vous habite vous restez attaché à cette administration, si décriée parfois, et l’orientation vers le monde du privé n’intervient que dans la perspective d’une évolution administrative peu attrayante ou une baisse de motivation . Cette observation est souvent partagée par la grande majorité de mes camarades ayant dirigés les plus grandes directions de la police, malgré les nombreuses sollicitations.
Pour ma part, c’est à la suite d’un contact avec le President Directeur Général de VEOLIA et de sa volonté de créer une direction de la sureté avec une vision partagée que j’ai décidé d’affronter ce nouveau challenge. Il reste évident que changer d’environnement professionnel à 62 ans dans le monde très corporatiste de la police ou les équipes se forment naturellement et hiérarchiquement en assurant au « chef » identifié toute l’assistance prévue, et la gestion permanente de l’urgence restent pour moi les principales différences que j’ai rencontrées en débutant chez VEOLIA. Créer une direction de la sureté dans l’entreprise de l’environnement ou le tropisme sureté ne s’impose naturellement pas, m’a obligé à un parcours d’humilité pour faire adhérer ces principes dans un monde d’ingénieurs, de techniciens, de financiers, de commerciaux…..
Comment appréhendez-vous votre nouveau métier ? Quels sont les enjeux de sureté pour une société comme la votre ?
Créer une direction de la sureté dans une entreprise du CAC 40 même si cela relève d’une évidence est une chose, la structurer avec des conséquences budgétaires incontournables en ces moments de réductions des frais généraux, en est une autre. Mon premier objectif a été d’expliquer, de se réapproprier les missions de sureté éclatées auprès d’une multitude de prestataires de sécurité en veille stratégique, e-learning, formations, spécialiste en gestion de crise, ect….. La mission : prévenir et gérer les menaces et les atteintes aux collaborateurs, biens matériels et immatériels, valeurs et continuité d’activité du groupe en France et à l’international et apporter conseil et assistance en matiére de sureté à l’ensemble des structures opérationnelles et fonctionnelles.
De plus VEOLIA, classé opérateur d’importance vitale, nous oblige sous le contrôle de l’état à garantir la sureté de nos sites classés. Les soubresauts géopolitiques qui ont marqué 2011 et dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui illustrent la modification du rapport au temps et à l’espace auquel nos entreprises doivent s’adapter :
- Il n’y a plus de recul face au temps. Les médias exigent une réponse presque immédiate. Ils précipitent les chefs d’entreprise dans une « actualité à bout portant ».
- La virtualisation dilue la sécurité et facilite l’interception des communications par des tiers. Les cyber-attaques, qui se rangent parmi les risques majeurs pour nos organisations, ne témoignent-t-elles pas de réduction à minima de l’espace temps ?
- Les entreprises sont contraintes de chercher des relais de croissance à l’étranger, loin de leurs bases. Mais l’élargissement de leurs marchés et de leurs zones d’activité les oblige à trouver le juste équilibre entre opportunités d’affaires et sureté de leurs activités. C’est donc une profonde culture de l’anticipation et de la réactivité face aux risques que nous devons insuffler dans nos entreprises.
La fonction sureté est récente chez VEOLIA. Dans ces conditions, comment faites vous pour l’imposer ?
Doter nos entreprises d’une véritable culture de la sureté est une démarche de solidarité et de responsabilité collective : le renforcement de notre capacité d’anticipation passe en effet par une forte implication du management local et des structures décentralisées. C’est cette culture généralisée de la sureté et elle seule, qui nous permettra de déceler, le plus en amont possible, les clignotants ténus des menaces émergents. Plus que jamais, les imprévus font partie de la vie de l’entreprise et s’invitent chez elle. Le monde stable, limité et prévisible d’il y a 30 ans a évolué. De bons professionnels, nous devons être des femmes et les hommes résilients au cœur des d’organisations résilientes. D’avoir rattaché le directeur auprès de lui, démontre la volonté du Président Directeur Général d’intégrer la sureté dans la stratégie de l’entreprise afin de la rendre toujours plus compétitive.