Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, intervenait lors du Colloque annuel du CDSE, jeudi 16 décembre 2021. Il évoque le continuum de sécurité, la formalisation des échanges entre le secteur privé et le secteur public au sein d’un cercle de confiance et la prochaine réforme du CNAPS pour accompagner la professionnalisation de la filière sécurité-sûreté.
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« Le continuum entre la police, la gendarmerie, la police municipale, mais également la sécurité privée existe bien évidemment. » C’est ce qu’affirme Gérald Darmanin, au cours d’un entretien lors du Colloque annuel du CDSE, jeudi 16 décembre 2021, au Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux. Le ministre de l’Intérieur répondait à la problématique d’une table ronde intervenue plus tôt dans la journée : « Continuum de sécurité : la réforme a-t-elle eu lieu ? ». « Si l’Etat devait reprendre directement tout ce qui concourt à la sécurité, ce seraient des dizaines de milliers d’emplois qu’il faudrait créer et sans doute avec une efficacité moindre, puisque nous ne connaissons pas vos enjeux, vos problématiques et évidemment vos difficultés », constate-t-il, en reconnaissant l’importance du rôle « des entreprises de sécurité privée ou des entreprises qui louent ce travail de sécurité ».
« Ce continuum, il est naturel, il existe mais il est quand même à construire », poursuit le ministre, qui souhaite « remettre les sociétés privées au cœur du continuum ». En effet, « on apprend beaucoup de choses de la part des entreprises et de la part des sociétés de sécurité, soit des donneurs d’ordre, soit des gens qui fournissent les employés », relève-t-il.
Gerald Darmanin cite l’exemple de l’évacuation du centre commercial Vélizy 2, survenue la veille du colloque du CDSE, mercredi 15 décembre 2021, à la suite d’un appel malveillant : « Les deux sources d’information du ministère de l’Intérieur ont été les réseaux sociaux et les agents de sécurité privée du centre commercial, qui ont informé la Police nationale », explique-t-il. Cela a permis aux forces de l’ordre de constater « qu’il s’agissait d’une fausse alerte ». Plus généralement, ces échanges sont très importants pour évaluer le « nombre de policiers et quels types de policiers envoyer ». « Si cela avait été une attaque terroriste, ou une attaque criminelle, nous aurions, déjà eu des informations grâce aux agents de sécurité, grâce aux entreprises », constate Gérald Darmanin. Il reconnait que « c’est peut-être au ministre de mettre la pression sur les préfets pour qu’ils discutent sécurité, pas simplement avec la police, la gendarmerie et le procureur de la République mais avec tous ceux qui concourent à la sécurité et qui peuvent donner des informations ».
« Nous sommes preneurs du principe du cercle de confiance »
Gérald Darmanin se prononce en faveur de la mise en place d’un cercle de confiance entre les forces régaliennes et les acteurs de la sécurité en entreprise, proposition portée par le CDSE depuis son Livre blanc sur la fonction sûreté dans l’entreprise (2011). Le ministre de l’Intérieur reconnait ainsi qu’il « faut sans doute que l’on formalise les échanges ». « Je comprends le principe du cercle de confiance et nous sommes preneurs, ne serait-ce qu’à un niveau départemental ou d’agglomérations pour permettre aux préfets et aux sous-préfets d’avoir quelque chose de formalisé », poursuit-il. Cependant, le ministre précise la complexité à échanger des informations au regard « d’un certain secret ou d’une certaine confidentialité des agents de l’Etat ». Et de s’interroger : « Comment ne pas être une profession réglementée, tout en partageant un certain nombre d’éléments de confidentialité et de confiance ? ». Gérald Darmanin estime qu’une telle mesure « ne relève pas forcément de la loi mais de la pratique ». Ainsi, « le cercle de confiance n’attendra pas la loi et pourra être fait immédiatement en février ou mars 2022. »
L’entreprise au cœur la LOPMI
« Ce qui n’aura pas été fait dans la loi ‘Sécurité Globale’, contrainte par le fait qu’il s’agissait d’une proposition de loi, nous allons le mettre dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) que je déposerai en février-mars 2022au Conseil des ministres », déclare-t-il.
Cette LOPMI, en cours d’écriture, a pour projet « d’englober le ministère de l’Intérieur et d’autres thématiques que celles de la sécurité », déclare Gérald Darmanin. « Nous allons pouvoir améliorer tout ce qui n’a pas pu être forcément fait dans la loi ‘Sécurité Globale’ », insiste le ministre, en prévenant cependant que ce texte ne sera « peut-être pas le grand soir de la sécurité privée ». « Les avancées très importantes sur la sécurité privée seront à discuter encore plus avec les donneurs d’ordre. »
« Dans cette loi, nous réfléchissons et nous construisons puisqu’il faut maintenant, comme Clemenceau créa la police judiciaire, que l’on réfléchisse à la police de demain, qui est déjà aujourd’hui la police des sécurités, et notamment de la sécurité Internet et de la sécurité du cyber », estime le ministre de l’Intérieur. En effet, «40% des escroqueries, c’est sur Internet, y compris chez les particuliers, et puis on voit bien que les attaques à main armée se limitent désormais », alors que « les rançongiciels sont très importants dans les entreprises ». Par conséquent, « cette loi est très importante pour la police de demain et pour l’état de la délinquance en 2030 », affirme Gérald Darmanin, appliquant également ces enjeux à la sécurité des entreprises.
« Au ministère, on doit mieux comprendre la sécurité privée et les enjeux des entreprises », concède le ministre de l’Intérieur. Par conséquent, dans la continuité de la mise en place de la DPSIS (Délégation ministérielle aux Partenariats, aux Stratégies et aux Innovations de Sécurité), les services du ministère et le préfet Olivier-Pierre de Mazières réfléchissent à la création « d’une direction du continuum » pour « les transports publics, les transports privés, les entreprises et la sécurité privée ». « On voit bien que ces partenariats existent, mais qu’ils ne sont pas très formalisés et qu’ils sont souvent le cinquième ou sixième enjeu du ministre de l’Intérieur », constate Gérald Darmanin.
Réformer le CNAPS pour consolider la « troisième force de sécurité du pays »
Gérald Darmanin souligne que le CNAPS est « un bel outil », tout en constatant qu’il « n’est plus dimensionné à la demande des professionnels », à savoir délivrer rapidement les autorisations. « Il faut toujours réglementer » pour assurer « la bonne concurrence » et « assouplir un certain nombre de règles devenues un peu obsolètes ». Par conséquent, « il y aura des moyens importants qui seront mis dans la réforme de cette instance », assure-t-il.
Cette réforme est d’autant plus importante au regard de l’augmentation du « nombre de personnes » et du « nombre d’exigences » dans le secteur. L’objectif est que « la réglementation puisse et ne pas être un poids, mais bien un accompagnateur ». La réussite d’une telle réforme, « c’est évidemment l’une des conditions de la réussite de la consolidation de la sécurité privée comme étant la troisième force de sécurité de notre pays », affirme le ministre de l’Intérieur. Une autre de ces conditions est, selon lui, la professionnalisation de la filière.
Mener « un très gros travail de professionnalisation de la filière »
La professionnalisation est possible grâce aux « centres de formation » et aux « formations professionnelles », assure le ministre de l’Intérieur. « C’est aux professionnels, à la vie syndicale et patronale, de s’organiser », notamment en coopération avec l’Education Nationale et le ministère du Travail. Cependant, « le problème de la formation c’est que plus vous formez les gens, plus ils doivent avoir un espoir de vivre de leur travail ». Or, « les agents de sécurité ne sont pas extrêmement bien payés, et c’est une des questions ». « La concurrence est forte, tout comme les conséquences pour les donneurs d’ordres. »
Il est demandé aux agents de sécurité privée de « monter en compétences » dans la plupart des centres commerciaux, entreprises et pour les grands évènements. « Des gens qui parlent français-anglais, qui doivent être sur le territoire national depuis longtemps, qui par ailleurs ont plus de formations », avec un champ de compétences élargi, « on ne peut pas continuer » de les payer au salaire minimum.
Face à cet enjeu, le ministre juge « qu’il faut que l’on discute pour voir comment l’Etat peut accompagner cela, comment on peut améliorer ces formations, comment on peut trouver un débouché aussi pour les agents de sécurité. » « C’est un très gros travail de professionnalisation de filière que l’on doit faire et qui n’a pas été fait », relève Gérald Darmanin, citant notamment la perspective des grands évènements à venir tels que la Coupe du monde Rugby 2023 et les JOP de Paris 2024.
« Préparer la France aux Jeux Olympiques »
« On a un enjeu très important, c’est celui de préparer la France aux Jeux Olympiques », atteste le ministre, pour qui cet événement va « révolutionner, à la fois la technologie appliquée au ministère de l’Intérieur, mais également la sécurité privée ».
« Nous avons besoin de 20.000 agents de sécurité privée pour les Jeux olympiques », poursuit-il. Or, « le marché aujourd’hui n’est pas capable de nous les donner ». Il parait donc indispensable de mettre « un coup de booster dans la professionnalisation de la sécurité privée ».
A ce titre, Gérald Darmanin précise que l’ordonnance sur la formation en sécurité privée, prévue par la loi « Sécurité globale » sera présentée au premier trimestre 2022 : « Ce sera prêt pour le premier trimestre parce qu’on l’a promis et qu’on en a besoin. »
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