Si le secteur industriel a justement généré des politiques de sécurité spécifiques en raison du caractère d’importance vitale de certaines infrastructures, le domaine des services demeure très en retard dans la mise en place de politiques de sécurité en lien étroit avec l’Etat, notamment en cas d’attentat terroriste.
Dès lors qu’une activité de service représente un enjeu majeur, des risques inhérents et un lien avec des infrastructures vitales, le partage des missions, des fonctions et des responsabilités entre Etat et entreprises devraient être clairement défini. La réalité est toute autre qui place le curseur de la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise au plus haut alors même qu’il ne se trouve pas en capacité de mettre en place des mesures de protection efficaces qui relèvent de l’appareil d’Etat.
Le secteur du tourisme en est un bon exemple. La France demeure la première destination touristique du monde. Cette activité se situe au cœur de la vie sociale et économique du pays et représente près de 8% du PIB national et 150 milliards d’euros. Cette part importante de la richesse nationale demeure toutefois fragile. Le secteur doit en permanence reconquérir sa clientèle qui réagit très vivement aux impacts de la conjoncture.
Considérons par exemple les rassemblements de touristes dans des parcs ou des sites événementiels, culturels ou cultuels permanents (La tour Eiffel, Disneyland Paris ou le Sacré-Cœur): Ils tirent l’activité touristique de notre pays et représentent un enjeu d’image essentiel. Toutefois, de telles concentrations de foules génèrent de fait un risque sécuritaire fort, tant accidentel que criminel et terroriste. Des mouvances terroristes peuvent en effet être amenées à les prendre pour cible à cause du cumul d’un symbole fort (parfois symbole religieux ou symbole d’une puissance étrangère), d’une forte résonnance médiatique liée à la fréquentation élevée et permanente sur un même site et d’une relative facilité d’accès du fait du nombre de personnes accueillies et travaillant dans un univers voué au loisir.
Or, l’interaction du site avec son environnement est en général importante et, de fait, la gestion des espaces publics dans et autour des sites fait partie du cadre légal et réglementaire qui entoure l’activité touristique. Si la sécurité relève intégralement de la compétence de l’Etat, la spécificité des sites pose des problèmes de répartition de l’autorité et de la responsabilité entre l’Etat et l’exploitant.
Les articles R.1132-1 et suivants du code de la défense constituent le socle juridique du renforcement des mesures de prévention et de protection, contre le terrorisme notamment, des secteurs d’activités d’importance vitale.
Ce texte vise à associer et à responsabiliser les opérateurs -publics et privés- à la gestion de ce risque.
Il semble nécessaire aujourd’hui de préciser de la même manière les objectifs et les politiques de sécurité du secteur touristique, en particulier en ce qu’il concerne des rassemblements massifs de population dans des espaces récurrents pouvant constituer des cibles faciles et d’ampleur médiatique et économique.
L’exploitant du site est confronté à trois contraintes qu’il ne peut résoudre seul.
Une contrainte de volume : les sites de loisirs peuvent de manière autonome générer l’arrivée de plus de 100 000 visiteurs (cas de Disneyland Paris) mais elle déborde généralement les capacités de gestion des services de maintien de l’ordre public dans l’environnement concerné. Ce volume est difficile à anticiper et l’Etat le perçoit en général trop tardivement. Enfin, plus le site est en milieu rural, plus le fait de s’adapter à des volumes imprévus est difficile à gérer.
Une contrainte de limite de territoire ensuite. Si l’intérieur du site est d’une manière générale considéré comme un espace privé ouvert au public ou un Etablissement Recevant du Public dont la sécurisation est à la charge de l’opérateur, les abords du site, eux, sont plus complexes à traiter.
Situés de fait sur un espace public, l’Etat n’a pas pour autant toujours les capacités à les sécuriser de manière récurrente et régulière.
Une contrainte de collaboration institutionnelle enfin. Car si les plans applicables au niveau des dispositifs de l’Etat sont nombreux, les partenariats avec les partenaires privés gestionnaires pourtant de foules importantes sont de manière générale assez limités.
L’inscription des espaces de loisirs concernés par ces plans dans les dispositifs institutionnels, leur préparation, leur implication dans des exercices de répétition devraient être mis en œuvre pour adapter les capacités de réponse institutionnelle aux enjeux réels et aux risques générés par leurs activités, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
La profession, représentée par le SNELAC*, a dénombré ainsi une vingtaine d’opérateurs « d’importance vitale », identifié leurs vulnérabilités à l’aide d’une matrice de risque spécifique.
Elle a identifié trois exigences de sécurité préventive à décliner dans les plans de sécurité des opérateurs et à articuler avec le plan de protection externe élaboré par le préfet du département en précisant les mesures planifiées de vigilance, de prévention, de protection et de réaction prévues par les pouvoirs publics.
- Une exigence planification/organisation,
- Une exigence de sensibilisation/formation,
- Une exigence de capacité de réaction/entraînement.
Ces exigences passent par le maintien d’une présence humaine dans et autour des espaces de loisirs, qu’il convient de mieux encadrer et une meilleure collaboration aux frontières de ces sites entre les institutions et les opérateurs et l’organisation d’un domaine de compétence en périphérie des sites.
Cette collaboration permettrait d’envisager plus sereinement le développement des activités touristiques en accroissant la protection des visiteurs en France.
Sophie HUBERSON, Déléguée Générale du SNELAC
*Syndicat National des Espaces de Loisirs, d’Attractions et Culturels