Christian Rivet, vous êtes directeur de la sûreté à la SNCF, quels sont selon vous les enjeux dans le domaine de la sûreté pour une entreprise comme la vôtre ?
La SNCF est une entreprise de transport internationale et intermodale dont l’importance est essentielle pour l’économie de notre pays.
Sa principale caractéristique est d’être une entreprise « ouverte » avec 31000 km de lignes, 4500 gares, 11500 trains par jour, …avec une activité d’un milliard de voyages par an et de 120 millions de tonnes de fret transportées et cette ouverture fait son succès.
De ce fait, notre entreprise se trouve exposée à une délinquance très évolutive, souvent violente, à des vols nombreux comme ceux concernant les métaux ce qui, outre l’impact humain et économique, engendre des désordres de production très importants compte tenu de nos modalités propres d’exploitation. Mais l’enjeu principal est sans conteste celui de la confiance que nous porte notre clientèle en matière de sûreté comme en matière de sécurité des circulations. La sûreté qui pouvait apparaître contraignante s’impose aujourd’hui comme une composante à part entière du service. Nous y consacrons un million d’euros par jour, les trois quarts en « prévention » et le reste en « protection ».
Comment vous organisez-vous pour faire face aux problèmes de sûreté ?
Notre politique de sûreté se doit de concilier les impératifs nationaux, notamment en matière de défense civile, les intérêts de l’entreprise et les attentes des personnes. Au-delà de la mise au jour de nos enjeux et risques, cela nous a conduit à insérer la sûreté le plus en amont possible de la conception de notre offre de service et à chaque niveau de notre ligne de management. La mise en service de la Nouvelle Automotrice Transilien est un bon exemple de cette évolution puisque ce nouveau matériel a été conçu en « sûreté » tout en préservant sa capacité d’emport en période de pointes. Nous attachons aussi une grande importance à la
présence humaine et nous avons investi, outre nos agents commerciaux, dans un service interne, la Surveillance générale dont la légitimité se fonde sur la loi de 1983 régissant les activités de sécurité privée au sein des entreprises. Ces 2300 agents, assermentés et autorisés au port d’arme, agissent exclusivement dans le cadre de la prévention sur l’ensemble du réseau national.
Cependant, la SNCF ne peut pas prendre seule en charge ces questions de sûreté qui la dépassent largement. Nous travaillons ardemment pour cela au développement de nos partenariats. Il en va ainsi des relations avec les pouvoirs publics, les forces de l’ordre avec lesquelles nous avons tissé des liens indéfectibles mais aussi avec les collectivités territoriales, l’éducation nationale (nous avons sensibilisé plus de 130 000 élèves cette année), les élus et nombre d’associations. Pour les forces de l’ordre, il s’agit plus particulièrement du Service Régional de la Police des Transports (SRPT) en Ile-de-France et du Service National de la Police Ferroviaire (SNPF) sur l’ensemble des autres zones de défense, avec juxtaposition de notre PC National Sûreté avec celui du SNPF pour des échanges en temps réel sur les événements.
Au titre de nos relations avec les élus, nous participons à plus de 250 contrats locaux, départementaux et
régionaux de sécurité en concertation avec les élus. Le partenariat avec les Autorités Organisatrices des
transports se traduit par de nouvelles dispositions dans les conventions qui nous unissent.
Quel est le rôle et quelle est la place d’un Directeur de la Sûreté dans un grand groupe comme la SNCF ?
Le rattachement du Directeur de la Sûreté à la présidence de l’entreprise nous a à la fois permis de mieux sensibiliser la direction générale aux enjeux de sûreté mais aussi de faciliter l’émergence de nouveaux partenariats externes et de conforter, en interne, l’importance de la sûreté comme un « fondamental » de la production du service. Porter la politique sûreté de l’entreprise en lien étroit avec nos quatre branches d’activité a été ainsi une nouvelle étape où elles ont trouvé de nouveaux leviers pour agir sur le fond de leur offre et améliorer leur approche économique dans ce domaine.
Quelles sont les nouvelles menaces que vous redoutez et êtes-vous en capacité de les anticiper ?
Si nous avons beaucoup progressé dans le traitement des événements que nous subissons, nous nous sommes mis aussi en situation de plus anticiper. Il en va de la confirmation des tendances lourdes que nous
connaissons bien et de l’attention que nous devons porter à de nouveaux signaux faibles.
Les premières concernent la délinquance violente mais aussi la défense civile qui a pris une place très importante dans notre dispositif. Pour les signaux faibles, je me contenterais d’évoquer la nécessité d’investir dans les nouvelles technologies et dans le travail sur le facteur humain. Ces deux axes illustrent notre volonté de mieux connaître les phénomènes et les réponses possibles en travaillant avec les experts ad hoc, ceux qui travaillent, dans ces deux cas, sur les nanotechnologies ou en psychosociologie. Nous pensons en effet, qu’il nous faut inventer de nouvelles réponses, adaptées à l’évolution des comportements. On le voit bien en matière de voyage, où un passager n’est pas du tout dans le même état d’esprit selon qu’il emprunte un TGV, un TER ou un train du Transilien.
Au plan technique, nous consolidons nos équipements et avons décidé en matière de vidéosurveillance de réaliser un saut de performance en triplant le nombre des caméras installées dans nos gares comme dans
nos rames d’ici 2012. La multiplication des échanges sur le Web nous conduit également à élaborer de nouvelles réponses à ces nouvelles vulnérabilités tout en faisant profiter nos clients de services complémentaires au voyage et qu’ils attendent d’un fournisseur moderne. Au total, nous sommes persuadés que la notion de sûreté évolue. Si elle représentait jusqu’ici un champ supplémentaire de contraintes auquel il
fallait se soumettre, elle doit être aujourd’hui considérée comme une vraie composante stratégique de l’offre de service, pesant de plus en plus dans le champ de la compétition entre les entreprises. La SNCF s’est résolument engagée dans cette voie.