Monsieur DERNY, vous êtes détective privé de Roche Investigations et secrétaire général du SNARP, syndicat des détectives privés. Pouvez-vous nous décrire vos missions ?
On peut estimer aujourd’hui que le marché de l’enquête privée, est divisé en deux, 40% environ pour les affaires dites familiales et 60 % pour les affaires industrielles. Les affaires familiales touchent plusieurs points douloureux pour les familles, comme l’aide aux recherches de personnes disparues, la surveillance d’enfants mineurs (avec l’accord écrit des deux parents), des affaires de successions, et autres recherches de débiteurs, etc. En matière de droit privé, pour le particulier et les entreprises, ce n’est pas le rôle de la police d’intervenir. Il pourrait même lui être reproché de dépenser l’argent du contribuable, pour défendre des intérêts d’affaires privées (commerciales, voisinage, témoignage…). Mais qui d’autre que l’agent de recherches privées peut défendre légalement ces intérêts privés ? Il est souvent le dernier recours. Pour les entreprises, nos activités vont de la P M E de quartier à la multinationale du CAC 40, en passant par les professions libérales, les artisans, bref, tous les secteurs économiques sont concernés. Mais tous ne pensent pas encore à faire appel à un « privé » pour faire aboutir la recherche de la preuve, la recherche d’éléments tangibles, le témoignage. Nos activités vont de la recherche de débiteur, étude de solvabilité, lutte contre la contrefaçon, contre le vol en entreprise, le coulage, le délit de médisance, jusqu’à la contre mesure c’est à dire la recherche de micros espions, placés par des concurrents indélicats. Toutes ces affaires ne se terminent pas toujours devant les tribunaux. Celles qui concernent directement un ou des salariés, se terminent par un départ volontaire. Mieux vaut « un mauvais arrangement, qu’un bon procès », disait déjà le Roi François Premier. Beaucoup de détectives privés travaillent pour des compagnies d’assurance et pour la lutte contre la fraude à l’assurance.
Comment devient-t-on Agent de Recherches Privées (ARP) ?
Pour exercer cette profession il n’est pas nécessaire d’avoir été policier ou gendarme, d’ailleurs la majorité n’est pas issue de ces corps de l’administration. La législation interdit aux anciens fonctionnaires de police, ou de l’armée d’en faire état sur leurs documents commerciaux ou publicitaires. La profession semble séduire de plus en plus d’anciens cadres d’entreprise, et de jeunes diplômés. Le détective n’est pas un transporteur de fonds, ni un agent de sécurité ou de gardiennage encore moins un agent de protection rapprochée ou un agent de recouvrement. Tous ces métiers lui sont incompatibles et hétérogènes. En aucun cas il ne peut arrêter une personne, cette mission étant réservée aux représentants de la force publique. Sa force à lui, réside dans sa réactivité puisqu’il peut se déplacer n’importe où, sans limites de compétence territoriale, et qu’il peut agir immédiatement comme pour une enquête de flagrance. Mais depuis 2005, il doit avoir un diplôme reconnu au RNCP, ou d’Etat, actuellement seulement les facultés de droit Assas Paris II (Melun), et Vauban à Nîmes, ainsi que l’école privée IFAR à Montpellier, sont autorisées à délivrer ces diplômes.
Quelles sont vos méthodes de travail et vos moyens ?
Puisque cette profession est réglementée de façon drastique, le détective privé doit travailler pour des affaires légitimes, dans la légalité (respect des lois), et avec loyauté, c’est-à-dire sans utiliser des interdits. Les interdits sont nombreux, car l’accès aux fichiers légaux sont réglementés et réservés à l’administration policière et juridique. La majorité des outils électroniques sont également interdits : « logiciels espions, écoutes sauvages de téléphone, caméra cachée, balises GPS » etc. En revanche la ruse n’est pas interdite. Les enquêtes de voisinage, les filatures, savoir poser des questions orientées, savoir écouter, savoir attendre et observer, certaines recherches administratives auprès des mairies, des archives municipales, départementales, sont parfaitement acceptables.
L’ARP vend son temps, sa patience, son sens de l’observation, ses déplacements, ses méthodes de ruse. Sa valeur ajoutée repose sur ses connaissances du droit, sa réactivité, sa mobilité géographique, son expérience et son expertise.
Un bon ARP, travaille en réseau de partenaires, souvent grâce à son syndicat professionnel. Ainsi, le Syndicat National des agents de Recherches Privées, le SNARP, fédère plus de 100 membres en France, et intègre via le réseau Européen IKD, presque 3000 membres. Enfin, la World Association of Detectives (WAD), permet à ses adhérents de rester en contact à l’échelle mondiale, pour être encore plus réactif lorsque les investigations sortent de l’espace Schengen La délinquance moderne est devenue internationale, très mobile et extrêmement réactive. Une bonne affaire juridique, doit être conduite par un avocat spécialisé, pugnace, conseillé par un détective pour informer avec précision, et agir avec l’aide d’un huissier pour la coercition. Les polices, les douanes sont débordées et se concentrent sur les très gros dossiers, et le terrorisme.
Quelles sont vos revendications à ce jour ?
Les ARP souhaitent que l’Etat ouvre davantage leurs prérogatives de façon encadrée, comme dans plusieurs pays européens.
Les revendications de prérogatives peuvent être : la reconnaissance par voie législative du secret professionnel pour la profession, un accès au « ficoba » restreint, (fichier de la banque de France), un accès aux états civils complets avec filiation, un accès aux fichiers cartes grises, obtenir les extraits cadastraux avec état civil non masqué, etc. avec naturellement un contrôle auprès des préfectures ou des tribunaux.