La sécurité aérienne serait-elle prise en défaut ? Comme le relate le journal La Presse, quotidien canadien, le mardi 3 août 2010, des experts en sécurité aérienne sont préoccupés par des images diffusées sur You Tube où l’on voit deux femmes au visage voilé monter à bord d’un avion à l’aéroport Montréal-Trudeau sans apparemment qu’on leur ait demandé de se découvrir le visage pour vérifier leur identité. Au Canada, le protocole est pourtant clair. Lorsqu’une voyageuse a le visage voilé par le niqab ou une burqa, les agents doivent demander à procéder à une vérification « en privé, à l’écart du regard de tous les autres passagers ».
Cette vidéo prise par un soi-disant camionneur britannique (son identité n’a pu être vérifiée), le mois dernier, a suscité beaucoup de polémiques et discours alarmistes de l’autre côté de l’Atlantique. Certains médias et spécialistes n’hésitent pas à souligner que ce qui venait de se passer n’était pas propre à l’aéroport de Montréal. Une enquête a été depuis diligentée par le ministre fédéral des transports, John Baird, pour vérifier la véracité des images et savoir si oui ou non Air Canada, responsable du contrôle, devait payer une amende. Elle vise également à déterminer, comme le note le ministre dans le journal à « vérifier s’il y a des lacunes dans la réglementation ou dans l’application de la réglementation actuelle ».
Eu égard à cet événement, on peut néanmoins s’inquiéter du développement du recours au vidéo montage par n’importe qui et à sa diffusion sur Internet. Le contrôle citoyen est une chose et celui-ci est nécessaire. Mais il doit à notre sens être organisé par le biais de commissions indépendantes, d’organisation de consommateurs… En revanche, le développement de contrôles spontanés par des inconnus est fortement problématique. La surveillance de l’espace publique via des cinéastes amateurs nous semble en effet poser trois problèmes majeurs.
Le premier et non des moindres, il favorise le développement d’une société sous surveillance et sans régulateur. On peut d’ailleurs s’étonner que la CNIL ne se soit pas émue de ce problème. Celle-ci s’inquiète de l’essor de la vidéosurveillance alors que cette dernière dispose de gardes fous mais ne prend pas position sur des systèmes de surveillance qui pour l’heure n’en disposent pas ?
Deuxièmement, ce type de pratique est un danger car elle constitue une puissante arme de déstabilisation. En effet, pour le coup, on peut légitiment se demander à qui profite le crime. La difficulté à apprécier la source donne la possibilité à tout acteur (entreprise concurrente, Etat, activistes…) de chercher à déstabiliser et désinformer via le Net. Nous voyons donc le risque d’un développement d’une nouvelle forme de manipulation facile et sans coût qui peut entraîner des dégâts colossaux. Elle représente dans cette perspective une nouvelle arme à la disposition de ceux qui participent à la guerre économique.
Enfin, cette forme de participation citoyenne contribue à la tyrannie de la transparence qui, à notre sens, représente un danger pour la sécurité nationale des démocraties occidentales actuelles. Les failles en matière de sécurité sont innombrables. Il est impossible d’assurer une sécurité maximale. Or à force de mettre en évidence les failles du système, cela n’a pour conséquence que d’amplifier le sentiment d’insécurité des citoyens. Face à cette évolution, les gouvernements n’auront alors d’autres solutions que de durcir leur discours et de commettre de graves erreurs de jugement en termes de choix budgétaires. Comme l’explique Howard Margolis, politologue, dans son ouvrage intitulé Dealing with Risk (« faire face aux risques »), les citoyens exigent souvent l’adoption de mesures concernant un risque donné, mais sans accorder la moindre attention aux coûts de ces mesures.
Face à l’ensemble de ces risques, il devient par conséquent urgent que nos démocraties se penchent sérieusement sur la manière de réglementer le web.