Echiquier géopolitique mouvant, recul des démocraties, montée de la violence, menace cyber accrue, nouvelles perceptions du voyage d’affaires… quels sont les enjeux de la sûreté à l’international en 2021 ?
Compte rendu de la deuxième table ronde proposée lors du colloque annuel du CDSE, jeudi 16 décembre 2021, avec la participation de :
Stéphane Barbé, Lieutenant-colonel, adjoint commandant de la division de l’analyse, des études et de la prospective de la DCIS (Direction de la coopération internationale de sécurité) ;
Arnaud Kalika, Président de la commission « International » du CDSE, Directeur sécurité-sûreté de Meridiam ;
Emile Perez, Vice-président du CDSE en charge de l’International, Directeur de la sécurité et de l’intelligence économique du groupe EDF ;
Stéphane Romatet, Directeur du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ;
Et une capsule vidéo de Franck Riester, Ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité
>> Retrouvez la table ronde « Convulsions géopolitiques et conséquences sur la sûreté à l’international » en replay vidéo
« Il faut véritablement que nous soyons en capacité d’accompagner ce qui constitue la principale richesse d’une entreprise, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui travaillent pour celle-ci, et de les accompagner partout dans le monde, qu’ils soient Français ou non ». C’est ce qu’affirme Emile Perez, vice-président du CDSE en charge de l’International et directeur de la sécurité et de l’intelligence économique du groupe EDF, jeudi 16 décembre 2021. Il s’exprimait dans le cadre du colloque annuel du CDSE, lors d’une table ronde consacrée aux convulsions géopolitiques et à leurs conséquences sur la sûreté à l’international. « Nous allons le faire en fonction d’une analyse fine des risques, une analyse fine des menaces. Et nous ne pouvons pas mener seuls cette analyse : nous la menons en coproduction totale avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec la DCIS, et avec tous les éléments qui sont en notre possession, pour essayer d’adapter nos propres dispositifs », poursuit-il.
Le lieutenant-colonel Stéphane Barbé, adjoint commandant de la division de l’analyse, des études et de la prospective de la DCIS (Direction de la coopération internationale de sécurité) du ministère de l’Intérieur ajoute que le triple enjeu pour les entreprises à l’international reste la protection de « leurs biens, leurs personnels et leurs informations et données ». « La DCIS est un des outils à disposition des directions sûreté, pour essayer de lutter contre tout type de menace », souligne-t-il.
« Votre métier [de directeur de sécurité des entreprises], c’est [aussi] le nôtre : celui de notre sécurité collective », affirme, pour sa part, Stéphane Romatet. Le directeur du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères précise que le CDCS « a une vocation qui est de gérer toutes crises qui ont un impact sur notre sécurité à l’étranger, la sécurité de nos compatriotes qui résident à l’étranger, de nos entreprises, et de toutes les entités diverses et variées qui vivent et travaillent à l’étranger ». « Cette responsabilité, nous l’exerçons universellement et nous l’exerçons aussi 24 heures sur 24 », confie-t-il, afin « d’être capable d’anticiper les crises » et ainsi de « veiller à ce que les Ambassades puissent être prêtes, en permanence, à gérer une situation de crise immédiatement ». « Anticiper, détecter et être opérationnels dans les réactions, c’est un petit peu le triptyque du CDCS. »
Stéphane Romatet rappelle en outre que le CDCS « anime et actualise en permanence » le site « Conseils aux voyageurs » du Quai d’Orsay. « Nous avons une responsabilité qui est difficile à exercer : délivrer des recommandations et de coloriser le monde en fonction du niveau de risques », précise-t-il. « Et il y a une évolution, c’est que le monde devient de plus en plus carmin ! Rouge, ça veut dire ‘n’y allez surtout pas, vous vous mettez en situation de risque’. Et je vois bien les conséquences d’un changement de carte vers le rouge, en particulier pour nos intérêts économiques. »
Maillage, réseautage, partage
Emile Perez note que, dans ce contexte, il est nécessaire « de développer une véritable coproduction de sécurité ». « L’actualité récente, ce que nous vivons en termes de terrorisme depuis de nombreuses années maintenant, nous a bien démontré que l’on pouvait avoir des actions terroristes un peu partout dans le monde et parfois même à Paris », précise-t-il. « Cela peut arriver partout, y compris dans des zones qui sont en vert. » Et de souligner néanmoins que, « avant de demander à l’État de faire des choses pour nous, il faut qu’au sein de nos entreprises nous ayons la capacité de bien connaître nos besoins et les risques qui sont susceptibles d’affecter les intérêts de celles-ci ».
Arnaud Kalika conseille également de « décloisonner la sécurité à tous les niveaux de l’entreprise ». Pour le président de la commission International du CDSE et directeur sécurité-sûreté de Meridiam, cela passe notamment par « l’intégration de la dimension sécuritaire dès l’origine ». « Il faut mettre en place des process extrêmement stricts, à la fois sur la sécurité des voyages, sur la remontée d’informations de tous types qui aient un lien avec la sécurité », estime-t-il. Ce dernier précise que son entreprise « est une société de gestion qui comporte un nombre limité d’expatriés et de personnel » et indique qu’il dispose de « ‘relais sécurité’ locaux, mais pas de responsables sécurité par zones géographiques ». « C’est une entité qui est surtout composée d’ingénieurs qui n’ont pas nécessairement la culture de la sécurité. Donc mon travail à l’intérieur de Meridiam, c’est d’acculturer aux problématiques de sécurité, pour que ces derniers puissent, une fois qu’ils vont être en poste à la tête de la société de projet, par exemple sur Addis-Abeba, sur Dakar, participer à des réunions de comité de sécurité. »
>> Intervention vidéo de Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité :
« Il faut être à la fois dans une coproduction interne et être capable dans son entreprise de développer un très fort maillage sécuritaire, de développer une très forte culture de sécurité », poursuit Emile Perez. Pour cela, le directeur de la sécurité et de l’intelligence économique du groupe EDF s’appuie sur ce qu’il appelle le triptyque des trois « -age » : « le maillage, le réseautage et le partage » : « Un bon maillage en interne et en externe, avec une excellente connaissance de ses partenaires potentiels, tous les services de l’État, les clubs comme le CDSE, les institutions qui travaillent dans le domaine de la sécurité, les prestataires privés et qui peuvent nous apporter de la connaissance. Et puis que chacun au sein de l’entreprise, n’hésite pas à réseauter : c’est-à-dire à démultiplier ses propres capacités. Et enfin, c’est le partage. Une information qui n’est pas partagée n’est pas une information. Il faut absolument que nous apprenions, tant en interne qu’en externe, avec l’ensemble des services de l’Etat, mais également avec l’ensemble des autres partenaires, à partager les informations.»
Quels outils pour la coproduction de sécurité à l’international ?
Pour le ministère de l’Intérieur, à la DCIS, le Lieutenant-colonel Barbé estime que « le rapprochement entre les directeurs de la sécurité des entreprises et les attachés de sécurité intérieure des ambassades » peut contribuer au renforcement de la sécurité des entreprises françaises à l’étranger. « Lorsqu’un directeur sécurité arrive sur un territoire, l’attaché de sécurité intérieure devrait en être informé et ils doivent être mis en relation », souligne-t-il.
Côté CDCS, le site « Conseils aux voyageurs » permet de « donner des informations de sécurité en temps réel dans les 190 pays du monde », rappelle Stéphane Romatet. « Des informations d’ailleurs de toute nature, y compris pour les voyages d’affaires », note-t-il. Le diplomate insiste en outre sur l’importance du service « Ariane », associé à ce site. « Lorsque vous envoyez vos cadres, vos employés, vos techniciens, vos ingénieurs dans un pays à l’étranger, demandez-leur qu’ils s’enregistrent sur ce que nous appelons le ‘fil d’Ariane’. Nous savons comme ça en temps réel combien de Français sont de passage, combien se trouvent dans un pays donné, à un instant donné. C’est un confort supplémentaire pour la sécurité de vos employés.»
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