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L’analyse de Franck Bulinge de l’affaire Renault

Écrit par HASSID Olivier

20 janvier 2011

L’affaire d’espionnage industriel chez Renault n’est pas un cas isolé. Franck Bulinge, professeur et expert de l’intelligence économiqueà l’ISC Paris, explique au journal Capital les techniques couramment utilisées par les entreprises pour surveiller, voire espionner la concurrence.

Capital.fr : Cette affaire d’espionnage industriel vous surprend-elle ?

Franck Bulinge : Pas vraiment. L’espionnage industriel est une pratique courante. Dans la compétition effrénée que se livrent aujourd’hui les entreprises, il n’est donc pas étonnant de voir ces pratiques se multiplier. Pour autant, il ne faut pas voir des espions partout ! Dans l’affaire Renault, il vaut mieux garder la tête froide et ne pas accuser des personnes ou des Etats à tort et à travers.

Capital.fr : Comment les entreprises font-elles pour surveiller la concurrence ?

Franck Bulinge : La plupart des grands groupes disposent de services de veille technologique. C’est une démarche légitime et naturelle. En général, les méthodes utilisées sont légales et consistent à collecter les informations disponibles dans la presse, sur internet ou dans les bases de données. Certains explorent même les forums de discussion ou les réseaux sociaux qui fourmillent d’informations livrées par des employés indélicats.

Capital.fr : Visiblement, il existe des méthodes plus douteuses…

Franck Bulinge : Effectivement, comme celle qui consiste à organiser de faux entretiens d’embauche. On peut alors parler véritablement parler d’espionnage. Certains dirigeants vont plus loin et sont prêts à faire appel à des « officines » spécialisées. Il s’agit d’agents capables de déposer des micros chez le concurrent, d’infiltrer des clés USB qui servent de mouchards, voire de mener une campagne de déstabilisation comme c’est vraisemblablement le cas pour Renault. Les Français ne sont pas les seules victimes. Début décembre, le P-DG de la compagnie China Eastern Airlines a surpris trois espions en train de fouiller sa chambre d’hôtel à Toulouse, alors qu’il dirigeait une délégation chinoise chez Airbus. Ces pratiques sont coûteuses et souvent très risquées, c’est pourquoi la plupart des dirigeants ne les envisagent même pas.

Capital.fr : Les entreprises françaises sont-elles suffisamment protégées ?

Franck Bulinge : Les PME-PMI sont les plus vulnérables. Or, les grands groupes comme Airbus passent de plus en plus souvent par des sous-traitants qui ne sont pas toujours suffisamment sécurisées. Elles deviennent ainsi la cible privilégiée des éventuels réseaux d’espionnage. Autrefois, la Direction de la Sûreté et de la Protection de la Défense les auditaient avant qu’ils puissent travailler avec les entreprises d’Etat. Depuis leur privatisation, il est devenu impossible de tout verrouiller.

Capital.fr : Comment peuvent-elles lutter efficacement contre l’espionnage industriel ?

Franck Bulinge : Pour tromper l’ennemi, certaines montent des équipes sur des projets bidon, alimentent des rumeurs sur les réseaux sociaux ou déposent des faux brevets. Mais les sociétés doivent se protéger en amont, notamment en sensibilisant les salariés. Dans les files d’attente à l’aéroport, dans le TGV, de nombreux cadres travaillent sur leur ordinateur portable, discutent de gros contrats en toute insouciance. Les employeurs peuvent imposer des « clauses de confidentialité ». Parallèlement, ils doivent investir dans des systèmes de protection informatique efficaces, limiter les accès aux serveurs ou à l’intranet, et surveiller les allers-et-venues dans leurs locaux.

Capital.fr : Une réglementation plus draconienne est-elle nécessaire ?

Franck Bulinge : Actuellement, les salariés ne risquent quasiment rien. A l’image de ce cadre de Michelin qui a écopé de deux ans avec sursis, 5.000 euros d’amende et 10.000 euros de dommages et intérêts, pour avoir tenté de vendre des secrets à un concurrent. Dans cette affaire pourtant avérée, le tribunal a estimé que les textes ne pouvaient s’appliquer. Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale par le député UMP, Bernard Carayon, va donc dans le bon sens.

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