La sécurité au sein du groupe AIR France est souvent citée en exemple. Monsieur Yvinec, vous en êtes le directeur sûreté, pouvez nous expliquer comment êtes vous organisé pour faire face aux menaces ?
Si exemple il y a, c’est celui de l’ensemble du monde aérien qui a dû faire face plus tôt plus que d’autres secteurs économiques à la menace terroriste. En effet, bien avant le 11 septembre 2001, les compagnies aériennes et notamment Air France, au travers d’U.T.A. ont été frappées, par des attentats aux conséquences dramatiques. Cette situation a contraint les Etats à développer un arsenal réglementaire dans le domaine de la sûreté particulièrement contraignant, notamment pour les compagnies aériennes. Je suis responsable de la mise en oeuvre de ce dispositif, le programme de sûreté de la Compagnie, et de l’actualiser en fonction des évolutions réglementaires et du niveau de la menace.
L’organisation de la Sûreté d’Air France répond donc à ces exigences réglementaires mais aussi aux propres standards de notre Compagnie. A cette fin la Direction de la sûreté d’Air France est organisée autour de cinq départements, Analyse des Risques, Stratégie, Opérations Aériennes, Assurance Qualité et Expertise Technique. Elle s’appuie également sur un réseau fonctionnel constitué de sept Délégations Générales en charge de l’application des mesures de sûreté prescrites par notre Direction, dans l’ensemble des secteurs d’activité de l’entreprise.
L’ensemble des mesures de sûreté sont répertoriées dans un référentiel, le Manuel de sûreté, document à diffusion restreinte, qui est régulièrement mis à jour. Comme vous pouvez le constater, notre champ d’action est vaste et concerne différents domaines de la sûreté : la sûreté des vols et des escales, la protection du patrimoine et des personnels en mission, sans oublier la formation des personnels éléments essentiel du dispositif. En effet les employés d’Air France suivent tous, conformément à la réglementation, une formation initiale puis un maintien de compétence. L’attention particulière que nous portons à la mise en oeuvre des mesures de sûreté sur l’ensemble du réseau, nous a conduite à développer notre activité d’audit et à compléter le dispositif de façon assez originale dans la mesure où nous utilisons le service de clients mystères qui nous font rapport des éventuelles déficiences observées lors de leurs missions.
Vous faites partie des rares directeurs sécurité rattachés directement au PDG. Cela vous semble-t-il un atout pour exercer vos missions et si oui lequel ?
Je relève effectivement de l’autorité directe du Président Spinetta dont je détiens la délégation de pouvoir en matière de sûreté…
Ce positionnement dans l’organisation générale d’Air France démontre que la sûreté est une priorité pour notre Compagnie.
Il permet une réelle indépendance de décision, notamment en cas de conflit avec les intérêts économiques immédiats de l’entreprise.
Vous allez fusionner avec KLM, dans les prochains mois, d’autres grandes compagnies devraient rejoindre le groupe AIR FRANCE. En quoi cela a-t-il une incidence sur la politique sûreté du groupe. Quels sont les changements que cela peut avoir sur votre organisation ?
Le rapprochement d’Air France et de KLM qui nous a permis, en mai 2004, de constituer le premier Groupe européen de transport aérien n’a changé en rien notre organisation. Air France / KLM est un Groupe constitué de 2 Compagnies qui possèdent chacune leur propre organisation. Certaines activités sont combinées dans le but d’optimiser les synergies et de satisfaire au mieux nos clients. Pour ce qui est de notre activité, l’approche est différente. Les deux Compagnies ont chacune leur Direction de la sûreté. Nous traitons des mêmes sujets mais les problématiques sont parfois différentes.
Si l’on prend comme exemple les menaces liées aux emblèmes nationaux, les risques ne sont forcément pas les mêmes pour les hollandais et pour les français. Néanmoins, les deux Directions travaillent en étroite collaboration notamment dans les domaines de la gestion des escales, des relations internationales et de l’analyse des risques.
Le groupe AIR France a fait le choix de l’internalisation de nombreuses missions de sécurité. Or l’internalisation de la sécurité est souvent perçue par nombre de vos confrères comme un surcoût. En quoi pour vous l’internalisation peut être susceptible d’être plus efficace que l’externalisation ?
Même si elle n’est pas totale, car nous avons depuis peu conclu un contrat de veille informationnelle afin de gagner du temps dans le tri de l’information, cette internalisation présente deux avantages majeurs. Tout d’abord elle nous donne une véritable autonomie dans la prise de décision. Nous ne sommes pas soumis à l’ « effet parapluie » que l’on peut parfois observer chez certains prestataires de sûreté en période de crise.
Elle nous permet également d’être plus à même de répondre aux interrogations quotidiennes des collaborateurs de la compagnie, et notamment du monde navigant, sur les décisions prises et leur motivation.