Le poids socio-économique des chocs perturbateurs dans la zone OCDE
Ces dix dernières années, les pays de l’OCDE et les BRIC ont subi un préjudice économique estimé à 1 500 milliards USD sous l’effet de chocs perturbateurs provoqués par des catastrophes naturelles comme des tempêtes ou des inondations ou par des catastrophes d’origine humaine comme des accidents industriels ou des attaques terroristes.Des chocs isolés tels que les séismes qui ont récemment frappé la Nouvelle-Zélande et le Chili ont entraîné des préjudices qui ont pu dépasser 20 % du PIB national, avec des effets disproportionnés sur les économies et les populations locales. Toutefois, les chocs majeurs ne se cantonnent plus à un lieu unique : ils se propagent à l’échelle planétaire, comme l’ont montré le Grand séisme de l’Est du Japon et les inondations catastrophiques qui ont touché la Thaïlande.
Les chocs perturbateurs sont devenus plus fréquents ces dernières décennies. De plus, et peut-être surtout, ils ont nettement gagné en puissance et en complexité. Cette intensité accrue tient, entre autres, au fait que les zones à risques concentrent désormais davantage d’actifs économiques et d’habitants — et, notamment, de plus en plus d’habitants âgés et vulnérables. L’urbanisation a renforcé et accéléré cette dynamique. L’intégration économique mondiale favorisée par le développement des transports et des communications a servi de vecteur à la propagation planétaire des chocs. Couplée aux changements climatiques, la dégradation de l’environnement a également contribué à cette évolution. Quand un pays ne sait pas détecter et gérer un risque majeur, cela peut avoir des répercussions redoutables sur les autres.
L’incertitude face aux chocs futurs représente un défi pour l’action publique en faveur de la résilience, surtout en période de restrictions budgétaires
Les chocs passés l’ont montré : on dispose de connaissances très limitées quant aux répercussions potentielles des chocs sur les zones environnantes et, notamment, quant à leur mode de propagation de l’échelon local à l’échelon national et international. L’expérience a aussi prouvé que les pays de l’OCDE pourraient en faire davantage pour gagner en résilience face aux «inconnues » — qu’elles soient elles-mêmes connues ou inconnues. Toutefois, les responsables publics se trouvent face à plusieurs obstacles : les risques évoluent en permanence et l’investissement dans la résilience est très peu récompensé, avec des coûts immédiats et évidents et des bénéfices futurs et incertains. En période de pressions sur les budgets publics et privés, de tels
investissements sont encore plus difficiles à réaliser, en raison de la concurrence qui s’exerce sur les ressources.
Des progrès notables ont été réalisés sur le terrain de la résilience…
. Les grands chocs perturbateurs passés ont permis de mieux cerner la notion de risque, et on comprend mieux comment prévenir et atténuer les risques et comment optimiser le degré de préparation, les interventions d’urgence et les opérations de réhabilitation et de redressement pour gagner en résilience face aux chocs.
. Le degré de sensibilisation aux risques et de partage de l’information est élevé, et ce grâce à des campagnes publiques d’information et à l’inscription des grands principes de la gestion des risques aux programmes des établissements d’enseignement. L’intégration de la notion de résilience aux programmes scientifiques et de recherche de la grande majorité des pays de l’OCDE a favorisé une culture de sécurité et de résilience.
. L’impulsion des autorités centrales a été déterminante. La plupart des pays de l’OCDE ont confié un rôle moteur à des autorités centrales — cabinet du Premier ministre, instance équivalente ou organisme central de coordination — afin que la gestion des risques majeurs et le soutien aux investissements nécessaires soient assurés au plus haut niveau politique.
. Les politiques de gestion des risques ont été systématisées à l’échelle de l’ensemble des secteurs et des échelons administratifs. Dans leur quasi-totalité, les pays de l’OCDE prennent systématiquement en compte les risques de catastrophe dans leurs stratégies et leurs plans sectoriels en matière d’investissements publics. L’importance attribuée à l’échelon local est illustrée par la mise en place de cadres juridiques pour les responsabilités locales avec, notamment, une réglementation tenant compte des risques pour l’occupation
des sols et la promotion immobilière privée.
… mais la vulnérabilité face aux risques persiste
Malgré ce renforcement de la résilience, les chocs passés ont fait clairement apparaître certaines lacunes : au niveau des infrastructures de protection, et notamment de leur entretien ; au niveau des réformes réglementaires, qui n’ont pas suivi le rythme de l’évolution des risques ; et au niveau de la mise en application des textes, qui soulève des difficultés. Les acteurs privés, y compris les fournisseurs d’infrastructures d’importance vitale, ont montré un certain nombre de faiblesses. Quant aux individus et aux ménages, ils
sous-investissent de façon systématique dans la protection de leurs actifs, alors même qu’ils connaissent leur exposition aux risques. Enfin, face à des chocs dont les conséquences se font de plus en plus sentir à l’échelle mondiale, la coopération internationale pourrait tenir une place beaucoup plus importante.
Une gouvernance efficace des risques
Bon nombre d’initiatives prometteuses visant à renforcer la résilience se sont heurtées à l’inefficacité des institutions. Un foyer peut s’abstenir de protéger son logement des inondations parce qu’il s’attend à ce que les pouvoirs publics agissent à sa place. Une collectivité locale peut s’abstenir d’investir dans un barrage de protection parce qu’elle sait que les collectivités avoisinantes en bénéficieraient sans y contribuer. De leur côté, les autorités centrales peuvent hésiter à investir davantage dans la résilience parce que les investissements en
amont ne sont pas visibles et que, par conséquent, l’effort est peurécompensé. Il est donc crucial de repérer les barrières institutionnelles à surmonter pour renforcer la résilience.
Principales recommandations
. Favoriser une gouvernance des risques tournée vers l’avenir et tenant compte des risques complexes. Pour évaluer leur exposition aux risques, les pays ont intérêt à ne pas se fonder uniquement sur les chocs perturbateurs passés et sur une modélisation linéaire des risques, mais à prendre aussi en compte l’évolution des risques — y compris leurs déterminants démographiques, économiques, technologiques et écologiques — ainsi que leur interdépendance et leurs effets en cascade potentiels. Il faut savoir adapter les mesures de résilience traditionnelles à l’évolution des risques. Des systèmes de suivi et d’évaluation peuvent éclairer un tel processus, et des méthodes tournées vers l’avenir peuvent favoriser l’identification des risques complexes futurs.
. Insister sur le rôle de la confiance. Les chocs perturbateurs passés ont érodé la confiance des citoyens dans l’aptitude des pouvoirs publics à les protéger. À l’issue de chocs majeurs, des mesures coûteuses ont été mises en oeuvre pour rétablir cette confiance. Les chocs peuvent pourtant être l’occasion de mettre en avant l’action de longue haleine menée par les pouvoirs publics pour protéger la population. La transparence et la responsabilisation des acteurs chargés de gérer la résilience sont déterminantes pour maintenir la confiance à long terme.
. Adopter une définition commune des niveaux de risque acceptables par les parties prenantes de tous niveaux. Il s’agirait de définir des méthodes permettant d’aider les pouvoirs publics, les entreprises et les acteurs individuels à déterminer leurs niveaux de risque optimaux ou acceptables, lesquels serviront de base à l’adoption des stratégies de résilience.
. Définir une panoplie optimale de mesures de résilience complémentaires. Les pays peuvent avoir intérêt à adopter une panoplie de mesures d’ordre matériel et immatériel (mesures portant sur les infrastructures et mesures de planification, par exemple), avec des actions complémentaires car conformes à une logique multirisques et favorisant le développement économique grâce à des retombées positives.
. Adopter une démarche à l’échelle de l’ensemble de la société afin d’associer tous les acteurs au renforcement de la résilience. Une telle stratégie est essentielle pour bien coordonner les acteurs chargés des risques et leurs cadres institutionnels.
. Reconnaître le rôle important des institutions et des blocages institutionnels dans l’efficacité des mesures de gestion des risques afin d’augmenter le niveau de résilience. En raison de lacunes du dispositif institutionnel, la gestion des risques par les pouvoirs publics, les marchés et l’action collective a connu des échecs qui ont empêché d’atteindre de plus hauts niveaux de résilience. La résolution de ces blocages d’ordre institutionnel représente un moyen très économique de renforcer la résilience.
. Recourir à des cadres de diagnostic pour recenser les barrières d’ordre institutionnel et réorganiser les incitations de façon à favoriser la résilience. De tels cadres peuvent permettre de détecter de façon systématique les lacunes d’ordre institutionnel qui s’opposent à une plus forte résilience. Le cadre suggéré dans ce rapport peut servir de guide aux responsables publics en la matière.