L’agence de presse AEF Info revient, dans une dépêche publiée mardi 20 décembre 2021, sur les échanges intervenus lors de la table ronde « Continuum de sécurité : la réforme a-t-elle eu lieu ? » au Colloque annuel du CDSE, jeudi 16 décembre 2021. Les directeurs de sécurité, le GES et la CGT ont fait « front commun » au sujet de la surveillance humaine, et plus particulièrement de la sous-traitance et de la garantie financière. Les intervenants ont également évoqué la formation.
• La limitation de la sous-traitance à deux rangs, une mesure jugée insuffisante
La limitation de la sous-traitance à deux rangs, une mesure jugée insuffisante
Sur la loi du 25 mai 2021 « pour une sécurité globale préservant les libertés », Cédric Paulin, secrétaire général du GES (Groupement des entreprises de sécurité), affirme que « sur la question de la sous-traitance comme sur la question de la garantie financière, lorsque vous avez la première organisation des directeurs de la sécurité, la première organisation des prestataires de sécurité privée et la première organisation de syndicats de salariés dans la branche qui sont sur la même ligne, il y a un front commun qui devrait être entendu ». Le représentant des entreprises de sécurité privée regrette que le texte prévoie une limitation de la sous-traitance à deux rangs maximums dans la surveillance humaine, plutôt qu’à un seul. Du même avis, Florent Lecoq, négociateur de la CGT dans la branche prévention-sécurité estime que les « vrais problèmes » se posent aujourd’hui avec « le deuxième sous-traitant ». Au bout de la ligne de sous-traitance, les salariés « n’ont pas de lien avec le client, ne connaissent pas le cahier des charges du client et ne le respectent pas », relève-t-il, en rappelant qu’ils sont également moins payés.
De son côté, le préfet Olivier-Pierre de Mazières, délégué ministériel aux Partenariats, aux Stratégies et aux Innovations de Sécurité, suggère qu’ »il faut se donner quelques mois de recul pour voir déjà les effets » des dispositions de la loi relative à la « sécurité globale », promulguée en mai dernier. Et rappelle que la limitation de la sous-traitance à deux rangs entrera en vigueur seulement en mai 2022.
Les membres du CDSE souhaiteraient une « petite amélioration » sur la mise en œuvre de la limitation de la sous-traitance à deux rangs dans la surveillance humaine, y compris armée. « Pour l’instant il est prévu dans la loi que le donneur d’ordre est responsable de la sous-traitance et doit pouvoir apporter les preuves du respect de la sous-traitance », observe Christian Crémel, directeur de la sûreté du groupe Bouygues et président de la commission « sécurité privée » du CDSE. Ce dernier estime que « l’entrepreneur principal responsable de la prestation devrait fournir au donneur d’ordre un document qui prouve qu’il a bien respecté les règles de sous-traitance qui sont imposées ».
• La garantie financière, une occasion manquée
La garantie financière est un système déjà mis en place « dans une cinquantaine de secteurs », rappelle Cédric Paulin. Côté donneur d’ordre, Christian Crémel poursuit en affirmant que la garantie financière « serait un moyen d’assainir la profession et de limiter la présence d’entreprises qui parasitent le secteur en fournissant des prestations qui ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux et de la qualité attendue par les donneurs d’ordre ». Florent Lecoq ajoute qu’il s’agit de « faire en sorte que les entreprises de sécurité qui prennent les marchés aient les moyens de le faire ».
De son côté, Guillaume Farde, professeur affilié à l’École d’affaires publiques de Sciences Po, rappelle que cette mesure avait été préconisée dès 2010 dans un rapport de l’IGA sur le contrôle des entreprises de sécurité privée, puis par les députés Alice Thourot (LREM, Drôme) et Jean-Michel Fauvergue (LREM, Seine-et-Marne) dans leur rapport de 2018 sur le « continuum de sécurité », et enfin dans le « Livre blanc de la sécurité intérieure » publié en 2020.
Alice Thourot précise que la mesure, prévue dans la première version de la proposition de loi sur la « sécurité globale », a par la suite été exclue en raison du contexte économique que la crise sanitaire a imposé. « Le texte a été débattu puis voté au moment du deuxième confinement, lorsque nous votions à l’Assemblée nationale des budgets pour soutenir les entreprises et prévenir une crise économique qui suivrait la crise sanitaire », défend-elle. Elle poursuit en affirmant sa position favorable à l’instauration d’une telle garantie financière.
• Les interrogations autour de la validation de la formation
Olivier-Pierre de Mazières rappelle que « la plupart des décrets d’applications sont en train de sortir en rafale et deux réformes prévues par la loi, à savoir la réforme de la formation et la réforme de l’organisation et du fonctionnement du Cnaps, vont être pris par ordonnance dans les mois qui viennent ».
Christian Crémel souligne que « la formation doit être en adéquation avec l’attente de qualité » car les donneurs d’ordre ne paient pas « un nombre d’heures » mais « une qualité de prestation ».
Autre problématique : « Celui qui forme est souvent celui qui délivre le titre professionnel », pointe Guillaume Farde. « Il faut arriver à une meilleure garantie de l’indépendance de la délivrance », estime le professeur affilié à Sciences Po. Sur la même ligne, Florent Lecoq souhaite la mise en place de centres d’examen avec une évaluation des compétences des candidats. Il faut une « claire distinction entre le volume de formation, la formation suivie et l’examen », déclare Cédric Paulin.
Olivier-Pierre de Mazières préconise la mise en place d’une « formation socle ». « Il faut qu’on arrive à mettre en face de ça une grille des risques avec des prestations correspondantes, en ayant recours à des agents formés de manière plus ou moins poussée et rémunérés aux prix adaptés. » Avec des compléments aux 175 heures de base, on permet et favorise la progression des agents de sécurité vers des niveaux de compétence et donc de rémunérations plus importants. » Cette montée en gamme est selon lui, « un préalable à des partages de compétence avec les forces de sécurité de l’État plus importants qu’aujourd’hui, ce qui est bien la demande la profession et le besoin de l’État ».
Le gouvernement a par ailleurs annoncé la création d’une formation spécifique pour les JOP. Pour le GES, cette adaptation doit être « pérenne ». « Si c’est une formation uniquement pour les JOP et que le lendemain on ne la poursuit pas, ça n’a pas tellement d’intérêt. » De son côté, le délégué CGT plaide pour la mise en place d’un module de formation au travail d’équipe en vue de l’évènement.
>> L’intégralité de la dépêche est accessible en ligne sur le site d’AEF Info (abonnés) : https://www.aefinfo.fr/depeche/664362